3 février 2010

Une femme rouée à Lille (1683)


  Appliquée depuis le XVIe siècle, la peine de la roue était exclusivement réservée aux hommes. Les traités juridiques de l’ancien régime expliquent que c’est uniquement pour une question de pudeur que ce châtiment n’était pas appliqué aux femmes : « Les femmes ne sont point condamnées à cette peine, par des raisons de décence & d'honnêteté publique. » Aussi étonnant que cela puisse paraître, il y eut quelques exceptions à cette règle. Nous en avons trouvé un exemple dans le Nord, à la fin du XVIIème siècle.

En 1683, à Lille, six jeunes filles accusées de sorcellerie avaient été condamnées à mort. Outre que l’exécution de plusieurs sorcières en même temps, sur la principale place de la ville, était un événement inusité, les juges avaient décidé de leur appliquer une sanction exemplaire, susceptible de frapper durablement l’opinion. En effet, ils avaient ordonné que trois d’entre elles seraient pendues, deux autres étranglées et la dernière… rouée. On imagine que cette subtile distinction des peines correspondait à une sorte de graduation de la culpabilité de chaque condamnée.

Le mercredi 13 octobre, devant une foule nombreuse, les six sorcières furent livrées au bourreau de Lille et à ses aides. L’artisan lillois Pierre-Ignace Chavatte, témoin de cette exécution, note dans son journal que « la justice a duré deux heures, depuis 3 jusqu’à 5 heures et un peu plus. » (1)
La première eut la langue coupée « avec un sigeau » (ciseau) puis achevée au garrot. Le chroniqueur précise « elle ne fut pas estranglée, elle fut meurdrie à l’estaque. » Attachée à un poteau – appelé estacque en patois local – elle mourut sans doute étouffée. La seconde subit le même traitement. Trois autres furent pendues.
Quant à la dernière, nommée Marie-Madeleine Wagon, elle fut soumise – sans qu’on puisse expliquer pourquoi – au terrible supplice de la roue. Pierre-Ignace Chavatte détaille le déroulement de cette singulière exécution : « Sur l’échafaud elle se descoutra elle mesme : elle ota son devantier et puis son rochet et puis une petite baie ; et elle avait des quenneson blanc, et elle-même se jetta dessus la croix fort constamment et estant sur la croix on commença à l’estranglé et puis après luy furent donné trois coups de barraine de fer sur le ventre et après le bourreau ala au bilion pour le retord la corde et après y reprend encore le dit barreau de fer et lui donna encore cinq coups et fut luy rompu les bras et les jambes. » (2)
On peut interpréter cette description de la manière suivante : Arrivée sur l’échafaud Marie-Madeleine Wagon se déshabilla elle-même ; elle retira son tablier, sa robe et ne conserva qu’un caleçon. Avec beaucoup de courage elle s’allongea sur la croix de Saint-André. On lui passa une corde autour du cou qui, en se resserrant, lui fit perdre connaissance. Alors, avec une barre de fer, le bourreau lui donna trois coups sur le torse. Puis, en tordant encore le garrot, acheva de l’étrangler. Enfin, il reprit son coutre et lui brisa successivement les bras et les jambes.

(1) Bibliothèque Nationale, N.A.F. 24089 f°302r°/v°.
(2) Ibidem.


3 commentaires:

  1. Jusqu'à la lecture de cet article on lisait que le supplice de la roue n était pas appliqué au femme, ce texte assez bien référencé semble bel et bien indiquer le contraire. existe t il d'autres récits indiquant que finalement les femmes pouvaient aussi subir ce supplice avec la même rigueur que les hommes

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  2. La traduction est inexacte : elle se déshabilla elle-même, elle enleva son tablier, sa robe et une petite culotte; et elle avait des cuisses blanches.
    Donc on peut penser que Marie Madeleine Wagon fut rouée nue en place publique.

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  3. Une autre exécution du même type en Allemagne en 1686 :

    http://www.executedtoday.com/2012/03/22/1686-a-man-and-a-woman-broken-on-the-wheel-in-hamburg/

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