1 décembre 2009

Plaisanteries de potences

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On imagine difficilement qu’une exécution capitale puisse susciter l’envie de se livrer à des plaisanteries. C’est pourtant ce qui est arrivé, plus d’une fois, sans qu’on sache vraiment si nos ancêtres étaient coutumiers de telles facéties ou si ce genre de faits était exceptionnel.

En 1710, à Moulins-Engilbert, en Bourgogne, une demi-heure avant la pendaison d’une pauvre femme sur la place publique, les Pères du couvent de Picpus, situé à côté, se rendirent jusqu’au gibet pour reprendre l’échelle que le bourreau leur avait empruntée, apparemment sans leur accord. A la surprise générale, en présence de toute la ville, ils la brisèrent à coups de hache et repartirent « en riant », comme ils étaient venus (1).
A Paris, le 30 mai 1776, on allait pendre en Grève Nicolas Pereux, 26 ans, condamné pour vol, qu’on disait être un ancien frère récollet. Le libraire Hardy, qui le vit descendre le grand escalier du Châtelet, note qu’il paraissait contrit et repentant tout en ajoutant qu’il avait appris, avec étonnement, « qu’il avait eu le courage, non seulement de manger de la soupe et du bouilli à son dîner mais qu’il avait encore demandé autre chose qu’on avait refusé de lui donner » (2). Nonobstant, le chroniqueur rapporte en détails l’incident qui s’était produit quelques heures avant cette exécution : « Environ deux heures avant qu’on songeat à conduire à la Grève le susnommé, il s’y était passé une scène assez singulière ; un particulier, agé d’environ quarante cinq à cinquante ans, ayant monté l’échelle qui tenoit à la potence puis ayant retiré les fiches de fer qui liaient ensemble les différentes parties de cette potence, et redescendu, avoit crié tout haut que ces fiches étoient à vendre ; alors le garçon charpentier chargé de veiller à cet instrument de supplice et qui étoit dans un cabaret voisin averti de ce qui venoit d’arriver et voulant ravoir de ce particulier les susdites fiches de fer. Celui-ci se bat avec lui et le maltraite considérablement pourquoi la garde ayant été appelée il se défend encore vigoureusement contre les soldats qui s’en emparent néanmoins et le conduisent chez un commissaire, d’où il est ensuite traduit dans les prisons du grand Châtelet. On prétendoit qu’il n’avoit dit autre chose si ce n’est qu’il vouloit se procurer le plaisir de voir faire au bourreau une cabriole ; comme aussi qu’on l’avoit confronté au patient pour sçavoir s’il en étoit connu, mais qu’il avoit déclaré ne l’avoir vu de sa vie. » (3)

(1) Archives Nationales, G 7 410. Lettre de l’intendant Turgot, 24 avril 1710.
(2) Bibliothèque Nationale, Ms Fr. 6682, f°227.
(3) Ibidem, f°228.

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