11 mai 2009

Exécuté deux fois


Les recherches historiques sur l’histoire de la guillotine réservent souvent des surprises. L’histoire qui va suivre prouve combien les sources doivent être utilisées avec prudence. En particulier les articles de presse. C’est l’histoire d’un condamné qui a été guillotiné… deux fois. L’homme se nomme Jean-Baptiste Desmares, il a 41 ans, est né à Colomby dans la Manche, marié et père de cinq enfants. Sabotier et, à l’occasion barbier, son destin bascule le jour où il assassine sa voisine, Jeanne Montcuit, 60 ans, débitante de boissons à Colomby, dont il était débiteur. Desmares est condamné à mort le 2 juillet 1840 par la cour d’assises de la Manche. Son pourvoi est rejeté le 29 août suivant. Désormais plus rien ne s’oppose à son exécution. Le journal L’Audience du jeudi 8 octobre 1840 est le premier à annoncer la terrible nouvelle : Desmares a subi sa peine le 2 de ce mois. L’exécution a eu lieu à Coutances, où on a dressé l’échafaud. Le condamné est monté sur la plateforme soutenu par deux aides. Il a demandé avec insistance à ne pas être attaché. En vain. Il a alors poussé des cris déchirants auxquels la chute du couteau est venue mettre un terme. L’article précise en outre « Un jeune homme de 22 ans, qui assistait pour la première fois à une exécution en qualité de valet de l’exécuteur, se trouva mal au moment où il vit le sang jaillir. Revenu de cet évanouissement, sa raison a paru altérée et depuis ce temps il est détenu dans une maison d’aliénés. On désespère de sa guérison. »

Quelques jours plus tard, on apprend en lisant La Gazette des tribunaux que cet article est totalement faux. Desmares n’a pas été exécuté. L’Audience, fort embarrassée, est obligée de reconnaître sa regrettable erreur, l’attribuant à un correspondant à l’imagination féconde. D’autres journaux, comme Le Constitutionnel, ont eux aussi été mystifiés. Le faux récit de l’exécution de Desmares provoque un scandale. La presse reçoit de nombreuses lettres de lecteurs offusqués. L’avocat du condamné en profite pour demander la grâce de son client. Rien n’y fait. Finalement, le condamné doit subir sa peine. Il est guillotiné – pour de bon – le 31 décembre 1840. Le procureur du roi adresse un courrier au ministre de la justice pour l’informer que, dans ces circonstances, il a autorisé le concours de l’exécuteur du Calvados, sur la demande de celui de la Manche dont l’aide était malade et que l’exécution « n’a présenté aucun incident remarquable ».
Jourdan

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